(...) les professionnels qui se sont battus pour détruire l’asile ont l’impression de vivre un vrai cauchemar lorsqu’ils voient comment on en arrive aujourd’hui à traiter les patients : on monte des murs et l’on ouvre des chambres d’isolement pour mieux les enfermer, on installe des caméras pour mieux les surveiller, et on utilise des questionnaires standardisés pour mieux les faire taire.

(...) Ma tante, quand vais-je rentrer chez moi, revoir mes parents ? Mes pandas vont-ils supporter cet étrange voyage ? Comment allez-vous me nourrir ?
Connaissez-vous le fils du dragon, maître du fleuve ?

(...) pour un accueillant familial accueillant familial
accueillants familiaux Agréés pour prendre en charge à leur domicile des personnes âgées ou handicapées adultes n’appartenant pas à leur propre famille, les accueillants familiaux proposent une alternative aux placements en établissements spécialisés. la rencontre avec un patient produit cet amincissement des frontières qui facilite l’émergence du refoulé.

(...) Ce choix de faire accueillir des enfants qui ont parfois usé leur famille, les processus de soin, le milieu scolaire, par des personnes concernées, mais sans qualification « estampillée » du moins au départ, constitue un pari.

(...) Nous attendons alors des assistants ou des accueillants familiaux qu’ils soient naturels ou spontanés alors que nous leur proposons parallèlement des espaces de professionnalisation : reprises cliniques des situations d’accueil, temps de formation, synthèses, etc. ce qui ressemble fort à une injonction paradoxale.

(...) Il est fréquent que des adolescents confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) présentent des troubles psychiques et nécessitent donc un suivi médical approprié. Ils ont souvent connu des placements de type collectif (foyers, mecs, …), parfois mal adaptés. L’accueil familial répond alors mieux à leur besoin en permettant une prise en charge plus individualisée.

(...) La femme d’un assistant familial (AF), paniquée, appelle la directrice du placement un soir dans le cadre de l’astreinte pour lui dire que son mari a une relation d’ordre sexuel avec la mère de l’enfant dont il a la charge à son domicile...

(...) Barbara raconte « avoir été raptée et échangée », « pas à la naissance, après » et que la fille de ses parents a « disparu, qu’elle « ne veut pas être adulte handicapée à sa place ».

(...) De prime abord, les patients que nos familles accueillent, parlent peu pour la plupart. Ils ne demandent pas grand-chose. Ils semblent ne rien pouvoir faire si ce n’est fumer et manger. Ils ont une hygiène déplorable et par conséquent ont bien souvent une odeur désagréable, ne s’apercevant même pas de leur état physique, n’ayant absolument pas la préoccupation d’avoir un corps en bonne santé. On a même l’impression qu’ils n’ont pas idée de leur corps

(...) Dès le début de son installation en famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! , Mr. L. exprime la présence de « bonhommes » gentils et méchants qui sont à l’intérieur de lui et lui parlent, parfois gentiment d’autres fois méchamment. Mme C. spontanément et avec son savoir-faire lui dira : "Fifi, je sais que tu es resté longtemps à l’hôpital, mais regarde ma bouche, est-ce qu’un bonhomme pourrait y rentrer ? » ; « Mais ils sont là quand même » répond-t-il. "Alors tu leur diras Fifi, que désolé mais tu payes ton loyer mais pas eux et qu’ils ont qu’à déguerpir !!! » Mr L. à son tour « ils ne sont pas contents. » et Mme C. répondra « Tu leur diras d’aller dans le cabanon, ils auront plus chaud !! »

(...) Comment imaginer qu’après tant d’années, tant de projets tentés et mis en échec, l’état psychique si altéré, l’incapacité à s’intégrer…
Comment imaginer donc, notre patiente créer des liens, s’intégrer au sein d’un fonctionnement familial qui n’était pas le sien et par conséquent en accepter les règles, partager l’intime et l’intimité : la sienne, la leur…

(...) Mon projet individuel, après une remise en question, est de réajuster ma prise en charge avec JF en retravaillant le respect de soi et de l’autre, en travaillant sur les sorties, comment les appréhender, comment aider JF à gérer son stress face à l’inconnu, en travaillant sur les aptitudes et comportements en société, et en retravaillant l’hygiène.

(...) La logique propre aux gestionnaires, préoccupés par la maitrise des couts, la rationalisation synonyme de rationnement et l’évaluation de l’offre de soins avec pour seul critère le quantitatif est un vieux refrain que les soignants en psychiatrie ont dû supporter depuis des années.

(...) Ainsi la famille d’accueil n’est pas un simple ersatz à l’hospitalisation. Elle a offert à M. une place d’accueilli lui qui était alors en errance. Elle lui a permis de se réinscrire dans un rythme de vie régulier, dans un cadre ou chacun est à sa place, dans des échanges verbaux constructifs et agréables. Au sein de la famille M. pouvait discuter de ses choix d’orientation professionnelle sans être soumis à la pression du désir de sa propre famille...

(...) Lors des visites infirmières, Monsieur P. nous fait part de ses doutes et hésitations quand aux limites de ses interventions : peut-il dire à D. de faire ceci ou cela ? Les limites fixées sont-elles légitimes ("c’est un adulte quand même… !") ? Quelle est sa place dans la famille ("Ce n’est pas notre enfant, comment l’aider sans l’infantiliser ?…")

(...) penser le paradoxe de l’étranger familier dès l’élaboration des projets
– en co-créant les dispositifs… quand on le peut…
– en ajustant la mécanique pour que ce ne soit « ni trop serré, ni trop lâche »,
– en préservant les interstices sans chercher à les organiser, au risque de les faire disparaître…
– … et en se donnant du temps, car « il est difficile de savoir que faire quand on n’a pas le temps de penser »
– … la visée restant finalement de « restituer au patient (et aux personnes qui l’entourent) la capacité de prendre soin de lui-même, à se prendre lui-même comme objet de soin ! »