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L’agrément des valeurs

Jean-Claude CÉBULA psychologue clinicien, directeur de l’IFREP

Aujourd’hui, toute personne qui souhaite pratiquer l’activité rémunérée d’accueil dans sa famille ou à son domicile doit être agréée (exigence qui n’empêche pas que se perpétuent des accueils dits sauvages, que soient possibles des accueils de tiers dits dignes de confiance ou qu’il soit fait appel aux accueils "marginaux" des lieux de vie).

Selon les populations d’enfants ou d’adultes bénéficiaires de ce mode d’accueil dit familial, deux agréments sont distingués :

  • lorsque les accueillis sont des mineurs, les caractéristiques de l’agrément, ainsi que les droits et les devoirs des personnes agréées, contribuent à définir la profession d’assistant(e) maternel(le).

En fonction de l’âge de l’accueilli, et donc de l’agrément attribué, sont juxtaposés deux modes de reconnaissance des personnes agréées interpellées généralement comme familles d’accueil. Ni les besoins, ni les objectifs ne sont comparables selon que l’accueil est celui d’un enfant ou d’un adulte. Cependant, la juxtaposition de deux agréments distincts oblige à des remaniements lorsque l’enfant accueilli devient adulte dans sa famille d’accueil famille d'accueil Terme désuet et imprécis remplacé, depuis 2002, pour l’accueil d’adultes âgés ou handicapés, par l’appellation accueillant familial. Saisir "famille d’accueil" sur un moteur de recherche conduit à des sites traitant de placements d’enfants et/ou d’animaux maltraités : cherchez plutôt "accueil familial" ou "accueillants familiaux" ! .

L’attribution de ces deux agréments est du ressort, dans chaque département, du président du conseil général. L’instruction de l’agrément permettant d’accueillir des enfants est confiée au service de la protection maternelle et infantile, alors que différents services, selon les départements, participent à l’instruction de l’agrément permettant d’accueillir des adultes.

Pour toute personne qui souhaite exercer l’activité d’accueil familial Accueil familial Alternative au maintien à domicile et au placement en établissement spécialisé : les personnes handicapées ou âgées sont prises en charge au domicile de particuliers agréés et contrôlés par les conseils départementaux (ou par des établissements de santé mentale). L’accueil peut être permanent (contrat conclu pour une durée indéterminée) ou temporaire, à temps complet (24h/24) ou à temps partiel (exemple : accueil de jour), ou séquentiel (exemple : un weekend tous les mois). , l’agrément a donc une valeur inestimable, cependant variable selon qu’il permet d’accueillir des enfants ou des adultes. De plus, pour l’accueil des enfants, l’agrément a une valeur nationale, alors que l’agrément permettant d’accueillir des adultes n’est valide que dans le département dans lequel il a été attribué (NDLR - donnée modifiée par la loi du 17 janvier 2002).

L’agrément n’est qu’une autorisation à accueillir, comparable à d’autres autorisations que peuvent être, par exemple, les diplômes qui permettent l’exercice d’une activité professionnelle telle celle d’éducateur ou de psychologue. L’exercice de l’activité n’est effective que lorsque la personne agréée est sélectionnée par un employeur potentiel qui évalue, en fonction de ses besoins de placement, la pertinence des familles d’accueil agréées candidates à un emploi.

Employeur qui recrute donc dans le cas de l’accueil familial des enfants, tel le service de l’aide sociale à l’enfance (qui du fait de sa mission de protection travaille avec des assistant(e)s maternel(le)s, et qui selon les départements n’a pas toujours organisé la prise en charge des enfants avec des familles d’accueil sous la forme d’un service identifié d’accueil familial), ou les services de placements familiaux spécialisés, ou encore les services d’accueil familial thérapeutique AFT
Accueil Familial Thérapeutique
Des personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être prises en charge au domicile de particuliers formés, agréés et employés par des établissements psychiatriques.
des secteurs de psychiatrie infanto - juvénile.

"Employeur" qui n’en est pas un dans le cas de l’accueil familial des adultes où le "recrutement" devient le fait de la personne qui "veut" être accueillie en famille et qui négocie avec celle-ci un contrat d’accueil (parfois, un service - non prévu par les textes - s’institue en tiers placeur ou organisateur de l’accueil). Seule exception à cette règle, celle de l’accueil familial thérapeutique organisé par des établissements assurant le service public hospitalier qui recrutent des familles d’accueil préalablement agréées par le président du conseil général ou qui recrutent des familles d’accueil qu’ils agréent eux-mêmes (il s’agit alors d’un agrément-recrutement).

Pour obtenir l’agrément, les candidats doivent réunir un certain nombre de conditions définies par le législateur.

Certaines de ces conditions sont objectivables telles celles de posséder un logement adapté (et de passer un examen médical pour l’agrément des assistant(e)s maternel(le)s) ou peuvent être vérifiées relativement facilement telles celles portant sur les engagements que doivent prendre les candidats à l’accueil des adultes : assurer l’accueil de façon continue et accepter un suivi et un contrôle.

D’autres conditions sont plus difficilement appréciables. Elles portent sur la capacité des candidats à assurer le développement physique, intellectuel et affectif d’un mineur ou à présenter toutes les garanties pour assurer la sécurité et le bien-être d’un adulte.

Ces capacités sont largement dépendantes des valeurs éducatives de chacun et de sa faculté à reconnaître les besoins de bien-être des personnes accueillies. En fait, elles renvoient aux représentations et aux idéologies, phénomènes liés pour une grande part aux motivations, aux attentes et à des besoins narcissiques difficilement repérables. Évaluation multiforme non exempte de la subjectivité des évaluateurs de l’agrément qui agissent avec leurs propres modèles éducatifs ou soignants.

Enfin, c’est autant les capacités du candidat que celles de son entourage qui demandent à être évaluées. En effet, la particularité de ce mode d’accueil, et notamment sa dimension familiale, amènent à s’intéresser autant au candidat à l’agrément qu’à son entourage familier. Ainsi donc, l’agrément d’une personne travaillant avec sa famille comme outil oblige à une évaluation complexe des compétences individuelles et... familiales.

Peu ou prou adaptée, inquisitrice ou engageant une future collaboration, trop longue ou superficielle, l’instruction de l’agrément se conclut par un agrément ou par un refus d’agrément, voire par un ajournement. Lorsque l’agrément est accordé, il reconnaît autant la conformité des conditions matérielles d’accueil que les capacités, certes envisagées à priori, d’une personne, agissant avec sa famille, à accueillir. C’est à dire qu’est alors agréé un ensemble hétéroclite de moyens et de compétences, de capacités et de qualités, bref de valeurs qui fondent l’accueil et sa disponibilité à s’occuper, à élever ou à protéger un enfant ou un adulte.

L’agrément devient donc également un agrément des valeurs familiales qu’une famille se propose de mettre à disposition d’un employeur ou d’un accueilli. Valeurs, compétences, capacités de répondre aux besoins de l’accueilli qui sont constitutifs de l’outil de travail que l’agrément vient légitimer comme adapté. Valeurs, traditions, modes de vie et de pensée familiaux qui sont le substrat organisateur du système relationnel de la famille et de chacun de ses membres avec l’accueilli.

Agrément de valeurs qui n’est pas sans conséquence sur le travail d’accueil et sur le travail que les intervenants peuvent mettre en place avec les familles d’accueil. Autant les capacités, les compétences, les valeurs de la famille d’accueil sont légitimées par l’agrément, autant les interventions devront prendre en compte cette reconnaissance. Ce qui suppose que tout intervenant puisse un minimum connaître, reconnaître, voire s’approprier les valeurs de la famille avec laquelle il va travailler. C’est à partir de la mise au travail des valeurs familiales que l’accueil pourra prendre les contours souhaités. Tenter d’importer dans ces affaires familiales des valeurs éducatives ou soignantes élaborées dans un autre contexte reste sans effet probant mais risque de déstabiliser les compétences familiales.

Ainsi, l’agrément, seul mode d’accès à l’activité de famille d’accueil, devient-il un guide à l’intervention pour construire des pratiques d’accueil familial.